Les entreprises technologiques europĂ©ennes affichent une prĂ©fĂ©rence marquĂ©e pour les places boursiĂšres locales plutĂŽt que pour Wall Street, une tendance qui rebat les cartes de la finance internationale. Entre 2015 et 2024, 119 introductions en Bourse de sociĂ©tĂ©s tech europĂ©ennes ont Ă©tĂ© analysĂ©es, rĂ©vĂ©lant une majoritĂ© de choix dâEuronext, Deutsche Börse et London Stock Exchange. Ce phĂ©nomĂšne s’explique par des valorisations souvent trop modestes pour sĂ©duire les marchĂ©s amĂ©ricains, ainsi que par une volontĂ© de rester proches des investisseurs nationaux. Pourtant, les plus grandes IPO, celles dĂ©passant largement le milliard d’euros, trouvent encore leur public outre-Atlantique, illustrant une dualitĂ© dans les stratĂ©gies de cotation. Ces dynamiques tĂ©moignent dâun paysage europĂ©en qui gagne en maturitĂ©, avec des Ă©cosystĂšmes spĂ©cifiques Ă chaque pays et des secteurs comme la fintech et la cleantech qui y prospĂšrent.
En bref :
– La majoritĂ© des IPO tech europĂ©ennes se rĂ©alisent sur les bourses continentales ou Ă Londres, avec 76 % des introductions sur ces marchĂ©s.
– La France, lâAllemagne et le Royaume-Uni dominent en nombre dâintroductions, chacune privilĂ©giant ses marchĂ©s nationaux ou europĂ©ens.
– Les IPO amĂ©ricaines attirent surtout les valorisations supĂ©rieures au milliard, freinant lâattractivitĂ© des marchĂ©s amĂ©ricains pour les entreprises françaises et allemandes.
– Certaines licornes françaises et europĂ©ennes comme OVHcloud et Back Market illustrent la montĂ©e en puissance des acteurs locaux.
– Les spĂ©cialitĂ©s sectorielles marquent les places : Londres pour la fintech, Francfort et les Ătats-Unis pour la cleantech.
Pourquoi les licornes europĂ©ennes prĂ©fĂšrent sâintroduire en Bourse sur leur continent
Le choix de la place boursiĂšre influe directement sur la valorisation et la visibilitĂ© des entreprises. En Europe, des marchĂ©s comme Euronext regroupent Paris, Amsterdam et dâautres capitales, offrant un environnement rĂ©glementaire adaptĂ© aux startups tech. Cela stimule un climat de confiance entre investisseurs et sociĂ©tĂ©s, souvent plus durable quâaux Ătats-Unis oĂč la valorisation peut varier de façon plus volatile. Par ailleurs, les structures de financement et la proximitĂ© rĂ©glementaire facilitent la gestion post-IPO, un point crucial pour des entreprises en forte croissance.
Les sociĂ©tĂ©s créées en France ou en Allemagne, Ă lâinstar dâOVHcloud ou dâArrival, prĂ©fĂšrent souvent sâadresser Ă un public dâinvestisseurs qu’elles connaissent et dont les attentes sont alignĂ©es sur leur modĂšle Ă©conomique. Ce positionnement local permet dâĂ©viter des coĂ»ts dâintroduction parfois prohibitifs et de prĂ©server une image de marque adaptĂ©e aux marchĂ©s europĂ©ens.
Par exemple, lâhistoire de Klarna illustre bien cette stratĂ©gie dâancrage europĂ©en avant de considĂ©rer une expansion plus globale, accentuĂ©e par un contrĂŽle plus strict et une meilleure comprĂ©hension des dynamiques rĂ©gionales.
Les marchés européens, un terreau propice pour les IPO de taille moyenne
Les compagnies technologiques affichant des valorisations infĂ©rieures Ă un milliard dâeuros trouvent en Europe un cadre favorable. Le baromĂštre ScaleX Invest indique que moins de 10 % des IPO amĂ©ricaines concernent ce segment, alors que les marchĂ©s europĂ©ens accueillent avec enthousiasme ces introductions. Cette dynamique sâexplique par une discipline de valorisation plus prudente des investisseurs europĂ©ens, favorisant ainsi une croissance saine et soutenue.
Des noms comme Doctolib, Sorare ou BlaBlaCar dĂ©montrent que cette stratĂ©gie porte ses fruits en termes de consolidation et dâexpansion technique. Ces entreprises ont su capitaliser sur des marchĂ©s fragmentĂ©s et multilingues en Europe pour gagner en agilitĂ© avant de viser des marchĂ©s plus larges.
Les raisons derriÚre le faible engouement des licornes françaises et allemandes pour Wall Street
Si Wall Street demeure la place des grandes valorisations, elle se rĂ©vĂšle moins accessible pour les acteurs tech europĂ©ens moins imposants. La raretĂ© des entreprises françaises dĂ©passant le milliard dâeuros de valorisation limite leur attractivitĂ© pour les marchĂ©s amĂ©ricains. Depuis lâintroduction notable de Criteo en 2013, la tendance reflĂšte un appĂ©tit grandissant pour les introductions sur place mais dans le cadre europĂ©en.
Cette rĂ©alitĂ© est en partie liĂ©e Ă la structure mĂȘme de lâĂ©cosystĂšme : les levĂ©es de fonds sont souvent plus modestes, et la fragmentation rĂ©glementaire europĂ©enne impose des adaptations locales qui pourraient dĂ©router les investisseurs amĂ©ricains moins familiers avec cette diversitĂ©. Cette fragmentation trouve un Ă©cho dans les particularitĂ©s comptables et juridiques, ce qui explique lâimportance dâexpertises locales notamment en Allemagne, comme Ă©voquĂ© dans cette Ă©tude comptable allemande.
Londres, un hub pour la fintech et une passerelle vers les marchés américains
Londres se distingue comme la place privilĂ©giĂ©e pour les fintechs europĂ©ennes, avec plus de la moitiĂ© des IPO fintech recensĂ©es issues du Royaume-Uni. La spĂ©cificitĂ© du Londres boursier attire des acteurs comme Wise et Revolut, qui y trouvent un Ă©cosystĂšme financier mature et une porte dâentrĂ©e vers la clientĂšle mondiale.
Pour autant, certains groupes basĂ© en Zurich ou Stockholm prĂ©fĂšrent le Nasdaq amĂ©ricain, renforçant ainsi la relation entre certaines places europĂ©ennes et Wall Street pour les opĂ©rations les plus ambitieuses ou les plus spĂ©cialisĂ©es. Cette double orientation sâobserve notamment dans le secteur cleantech, qui sĂ©duit aussi bien Francfort que New York.
Quand Wall Street attire les trÚs grandes opérations, les places européennes consolident la tech locale
Les Ătats-Unis restent incontournables pour les plus grandes IPO, avec lâentrĂ©e en Bourse de gĂ©ants comme Arm Holding et Spotify. Ces opĂ©rations, souvent supĂ©rieures Ă 10 milliards dâeuros, mobilisent une base dâinvestisseurs globale et une liquiditĂ© difficile Ă Ă©galer localement.
Toutefois, ce choix ne remet pas en cause lâattractivitĂ© des marchĂ©s europĂ©ens pour la majoritĂ© des entreprises tech, en particulier celles valorisĂ©es sous la barre du milliard. Pour une sociĂ©tĂ© comme Back Market, le maintien en Europe garantit un alignement avec un rĂ©seau dâinvestisseurs spĂ©cialisĂ©s et une gestion rigoureuse de la valorisation.
Ce contexte invite les investisseurs Ă suivre de prĂšs la montĂ©e en puissance de plateformes europĂ©ennes innovantes, notamment dans le secteur des tokens et des plateformes numĂ©riques, domaine oĂč la France commence Ă se distinguer, comme expliquĂ© dans cette analyse sur les plateformes de tokens en France.

